Initiative citoyenne européenne : la réforme de la dernière chance

Par Katja Tuokko, membre du Conseil d’administration du Mouvement Européen – International. Texte original traduit de l’anglais par Klervi Kerneis.

À son lancement en 2012, tous les regards se sont tournés vers l’Initiative Citoyenne européenne (ICE). Ce nouvel instrument avait été conçu pour rapprocher l’Union européenne et les citoyens en offrant à ces derniers la possibilité de soumettre une initiative législative à la Commission européenne. Cinq ans après son lancement, la Commission européenne n’a construit aucune initiative législative sur la base d’une ICE. En septembre dernier, sous une pression croissante, la Commission a proposé de réformer l’instrument. Quelles sont les raisons de cet échec ?

L’initiative citoyenne européenne ressemble fortement aux instruments nationaux d’initiatives citoyennes. Un comité de citoyens venant de différents pays de l’Union européenne soumet une initiative dans laquelle il propose une nouvelle loi au niveau européen. Les initiatives enregistrées jusqu’ici abordent une grande variété de thèmes tels que la protection des droits des animaux (Stop Vivisection) ou la cigarette électronique (Sauvons le Vapotage). La Commission doit dans un premier temps évalué si l’initiative relève des compétences de l’Union Européenne. Le cas échéant, le comité dispose de douze mois pour réunir un million de signatures dans au moins 7 pays membres. Si le million de signature est atteint, alors la Commission décidera ou non de présenter une proposition législative.

Sur 30 initiatives enregistrées, trois ont réussi à réunir le nombre de déclarations de soutien exigé. Pour les citoyens à l’origine de ces initiatives, récolter autant de signatures représente une charge de travail titanesque. Seuls des mouvements organisés, comme les syndicats ou l’Église catholique, ont déjà reçu autant de soutiens européens dans le cadre de leurs propres initiatives.

Et, quand bien même les signatures ont pu être rassemblées, aucune initiative n’a vraiment contribué à l’élaboration de politiques européennes car la Commission a décidé de ne pas donner suite à ces initiatives. Après un début prometteur, les citoyens ont soumis de moins en moins d’initiatives et ne croient plus en l’efficacité de cet instrument de démocratie directe.

Les raisons de cette inefficacité ? L’initiative « An ECI that works » (« Une ICE qui fonctionne ») a mis en évidence les problèmes de l’instrument et émis une douzaine de recommandations concrètes pour améliorer son fonctionnement. Selon eux, les difficultés techniques et légales ont rendu l’outil contraignant et compliqué à utiliser. La période de douze mois pour réunir les soutiens est trop courte pour qu’un mouvement populaire se déploie au sein de l’Union européenne, mette en place un plan de communication et récole des financements. Le Mouvement européen international a lui-aussi mis en avant la nécessité de pallier ces problèmes dans son exposé sur la e-démocratie.

En septembre 2017, face à une pression croissante, la Commission a publié une proposition pour améliorer l’ICE, qui sera débattue dans les institutions européennes.

L’initiative citoyenne européenne a encouragé nombre de nouveaux acteurs à agir au niveau européen, et notamment pour la première fois dans l’Est et de Sud-Est de l’Europe. Les pays membres de l’Union européenne et le Parlement devraient se saisir de l’opportunité offerte par la Commission pour réformer l’ICE, un outil de démocratie directe qui pourrait véritablement rapprocher les citoyens de l’Union européenne.